Côme entre design et architecture

Patricia Lunghi
5. oktober 2023
Villa Olmo (Photo : Robert Mawdsley)

La ville de Côme et son lac offrent aux baladeurs des vues magnifiques, dans les ruelles, les maisons cossues et, sur les rives du lac, des palais néo-classiques qui témoignent de la richesse de ce territoire. L’industrie textile et en particulier les activités liées à la soie remontent à la Renaissance mais se sont surtout développées dès la fin du XIXe siècle, elles ont fait de Côme le centre névralgique de la production de soie pour l’Europe jusqu’au XXe siècle et encore un peu aujourd’hui. De ce riche passé, il reste d’opulents palais, villas et églises qui témoignent des fastes d’une époque révolue. C’est précisément de ce constat qu’est née il y a 5 ans l’idée d’organiser un événement culturel pour faire découvrir le patrimoine artistique et architectural de cette ville située à une demi-heure de Milan. Le Lake Como Design Festival est une manifestation à taille humaine qui entrelace étroitement le contenant et le contenu : les expositions comptent autant que les lieux dans lesquels elles sont déployées. 

Naturalis Historia

Se développant à travers une série d’expositions, de rencontres, d’installations et d’événements, la 5e édition du Lake Como Design Festival s’est achevée le 24 septembre dernier sur le thème de la nature. Le fil conducteur très érudit célébrait le bimillénaire de la naissance de Pline l'Ancien, né à Côme en 23 après J.-C. L’œuvre monumentale de l’écrivain et naturaliste latin Naturalis Historia condense en 37 volumes la somme des connaissances de son époque, en partant de l’observation de la nature. Pour Lorenzo Butti, fondateur et directeur artistique du festival, « l’hommage à Pline l'Ancien, né ici il y a deux mille ans, est une façon de mettre en relation le patrimoine artistique et culturel de Côme avec la créativité contemporaine. Nous avons voulu utiliser Naturalis Historia comme un guide pour se déplacer dans le design, l’art, l'architecture et l'artisanat, en offrant aux visiteurs un kaléidoscope de visions et d'émotions ». 

Proches les uns des autres et visitables à pied, cinq lieux extraordinaires ont été choisis. Ouverte pour l’occasion, Villa Olmo est un somptueux palais néo-classique du XVIIIe siècle avec un immense parc sur les rives du lac de Côme ; de la même époque, la Villa Salazar a ouvert pour la première fois au public, le Palazzo del Broletto, l’église San Pietro in Atrio datant du XIIIe siècle et l’ancien couvent Orsoline San Carlo ont également accepté d’ouvrir leurs portes pour le festival. Lieu oublié de la ville, cet ancien couvent possède un charme suranné et hors du temps, à l’opposé de l’opulence et du faste des autres palais, accueillait l'exposition Between Art and Nature qui dévoilait pour la première fois une sélection de 80 photographies de la Fondation Carla Sozzani à Milan. Ces images fortes en noir et blanc de grands artistes du XXe siècle qui posaient la nature en source inépuisable d’inspiration ou d'étude, de référence et même de vénération ou de réconfort ont littéralement transfiguré le lieu. 

Ouverte pour la première fois au public, la villa Salazar rassemblait une sélection de design contemporain, en collaboration avec Catawiki, plateforme de vente on-line, tandis que l’ex-église de San Pietro in Atrio accueillait des recherches textiles autour d'anciennes techniques de production, des projets expérimentaux de fabrication végétale et de tissage. Ici aussi le lieu conférait aux expositions une magie unique.

Villa Olmo (Photo: Robert Mawdsley)
Installation de Kris Ruhs à la Villa Olmo (Photo : Robert Mawdsley)
Villa Olmo

Le clou du festival était présenté à la Villa Olmo, immergée dans le grand jardin italien surplombant le lac de Côme. Dans ses salles grandioses se sont succédés des projets spéciaux autour du thème Back to Nature. Dès l’entrée, la monumentale installation « The Second Song – Falling to Earth » de Kris Rhus accueillait les visiteurs. 30 000 fleurs jaillissant du sol ou tombant du ciel comme une cascade géante générant une sensation d’intensité et de légèreté en même temps. Des motifs géométriques sur des nuages ​​de pétales assortis à la mosaïque de marbre du sol. Dans une autre salle, le créateur de tissus, designer et peintre passionné de botanique Ken Scott était à l’honneur. La Fondation homonyme a dévoilé photographies, dessins et documents d'archives de ce personnage éclectique qui révolutionna la mode avec ses imprimés floraux colorés au début des années soixante. Plus loin, quelques pièces emblématiques de l’un des plus grands maîtres du XXe siècle, l’architecte et designer brésilien Oscar Niemeyer, tandis que le collectif Movimento Club présentait de nouvelles créations en lien avec la beauté de la nature, conçues par une sélection de designers et de studios internationaux.

Exposition de Movimento Club à la Villa Olmo (Photo: Robert Mawdsley)
Architecture rationaliste

Dans le programme off de cette cinquième édition du Lake Como Design Festival, des visites guidées de l'architecture rationaliste de Côme, promues par Wonderlake Como, étaient également organisées. Originaire de la région, l’architecte Giuseppe Terragni, pionnier du mouvement moderne en Italie, a principalement travaillé sous le régime fasciste de Mussolini. Son œuvre la plus connue est la Casa del Fascio (siège du parti fasciste) que nous avons pu visiter exceptionnellement. Inaugurée en 1936, la structure carrée à 4 étages est une réinterprétation d’un palais antique, mais avec des pylônes en béton agrémenté de parois en vitro-ciment, matériaux de l’architecture moderne. Le bâtiment qui était à l’époque ouvert 24h/24 pour le peuple, n’est aujourd’hui plus accessible au public. Haut lieu de l’architecture rationaliste, Côme conserve plusieurs autres bâtiments signés par Terragni : l’école pour la petite enfance Sant’Elia, le Monumento ai caduti et le Novocommun.

Situé à deux pas du lac, ce dernier a une histoire incroyable. En 1927, la société immobilière Novocomum confie à Giuseppe Terragni, tout juste âgé de 23 ans, la construction d'un grand immeuble d’habitation. L’architecte conçoit un bâtiment au plan traditionnel, mais avec un aspect totalement nouveau, inspiré du rationalisme allemand et du constructivisme soviétique. Craignant que le projet ne soit rejeté en raison de son architecture avant-gardiste, Terragni, en accord avec l’entrepreneur, présente des plans classiques mais qui ne correspondent pas au projet. Une fois la construction terminée et les échafaudages enlevés, un scandale éclate et une commission d’experts, présidée par l’architecte Portaluppi, est nommée pour décider du sort du bâtiment. Malgré la controverse, elle établit qu’il ne porte pas atteinte au décorum du lieu ! 

Giuseppe Terragni, Monumento ai caduti, Côme, 1933 (Photo : Lorenzo Butti)
Giuseppe Terragni, Casa del Fascio, Côme, 1936 (Photo : Lorenzo Butti)

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