Beauté paradoxale
Patricia Lunghi
21. March 2018
Al Farrow, «Mausoleum II», 2008 © Al Farrow / Galerie Catharine Clark, San Francisco
Le mudac à Lausanne dégaine sa nouvelle exposition sur les armes à feu.
Déjà habitué à traiter des sujets de société comme la surveillance ou le plaisir, le musée de design lausannois affronte cette fois un thème particulièrement sensible : les armes à feu. Première exposition du genre en Suisse, « Ligne de mire » aborde de manière critique notre relation avec ces objets ambigus, fascinants et répulsifs.
Sculptures, mobilier, photographies, vidéos, dessins et installations peuplent les étages du musée dans une ambiance un peu oppressante. Le mudac joue volontairement sur l’ambiguité et sur le contraste provoqué par ces engins qui exercent simultanément une fascination et une aversion. Cette ambivalence est accentuée par une sélection très esthétisante d’objets dont la plupart sont des œuvres d’art et non pas de vrais outils de violence et de mort. Néanmoins ils nous interpellent et provoquent une réflexion profonde, comme les sculptures de l’artiste américain Al Farrow représentant les lieux de culte des trois grandes religions monothéistes. Une église chrétienne, une synagogue juive et une mosquée islamique réalisées en munitions, obus, balles, douilles et grenades à main. Nul besoin de commentaire pour cette installation qui souligne le lien entre armes, pouvoir et religion.
D’autres pièces semblent en apparence plus ludiques comme le revolver sèche-cheveux en bronze de l’artiste genevoise Sylvie Fleury ou le célèbre pistolet-mitrailleur israélien UZI en or scellé dans un bloc d’acrylique en forme de mallette du designer néérlandais Ted Noten. Deux exemples de détournement d’un objet fortement symbolique replacé dans un univers de beauté et de luxe qui utilisent l’arme comme un motif iconographique pour nous rappeler la fragilité de la vie.
Sylvie Fleury, «Revolver», 2009 © Sylvie Fleury et Galerie Almine Rech, Paris, Bruxelles, Londres, New-York
Ted Noten, «Uzi Mon Amour» 2012 © Ted Noten
« Ligne de mire »
jusqu’au 26 août
Mudac, Lausanne