Terre à terre

Patricia Lunghi
27. 6月 2019
photo © Stéphanie Gygax

Le plus amusant, c’est la vision qui surprend le promeneur. Une forêt sauvage qui surgit dans un passage souterrain, un buisson qui devient canapé, des fougères qui enlacent un escalier. Tous les cinq ans, apparaissent aux quatre coins de Lausanne d’étranges installations végétales qui interpellent et invitent à regarder la ville autrement. On se demande si ce tas de terre est là par hasard ou s’il a été oublié, on regarde avec étonnement des bouts de bois posés sur une place isolée. On attend avec impatience et émerveillement ; puis progressivement apparaissent des plaques de terre, des toits végétalisés, des jardins suspendus. Il y a quelque chose de magique dans cette transformation de la ville, dans ce spectacle de la nature qui s’épanouit en milieu urbain. 

Thème de Lausanne Jardins cette année, la terre est à l’honneur. L’édition 2019 intitulée « Terre à terre » nous parle de l’utilisation du sol et de la terre qui se fait rare en ville, mais qui nous rend quand même bien des services. La terre, qui garantit la biodiversité et nous nourrit, part à la reconquête de l’espace public. 

Pour la commissaire de Lausanne Jardins 2019, Monique Keller, architecte EPFL de formation et journaliste qui a fait ses armes à Patrimoine suisse, Lausanne Jardins c’est avant tout l’occasion de s’arrêter un instant pour repenser la ville et la découvrir autrement.

photo © Stéphanie Gygax
Les installations

La trentaine d’œuvres de l’édition 2019 met en valeur des espaces urbains délaissés ou investissent des zones à grande fréquentation. Tantôt poétiques, tantôt didactiques, ironiques ou même déséquilibrants, ils parsèment un parcours qui traverse la ville. « Nous voulions montrer la beauté de certains lieux méconnus », annonce Monique Keller. Plutôt que jardins, on pense installations, tant les projets sont variés et surprenants, avec une emprise parfois déroutante sur la ville. Le plus étonnant est probablement le jet d’eau qui surgit du sol en plein centre, entre une voiture et l’autre.Un jet d’eau qui interrompt un instant le flux de la circulation et de nos pensées. L’eau jaillissant des tréfonds du sol urbain, comme une force de la nature qui reprendrait subitement ses droits.

Un peu plus loin, l’installation « Terra Incognita » marque l’irruption de la nature en ville. Posé sur le bitume, cet îlot de verdure remonte à la surface et s’infiltre dans la dalle. Posés dans un lieu incongru, coupés de leur milieu d’origine, ces morceaux de terre ensevelissent partiellement le mobilier urbain. Le toboggan souterrain « Ver de terre » où les enfants adorent se précipiter et s’enfoncer dans le talus pour atterrir quelques mètres plus bas rend hommage au lombric. Il y a aussi les poétiques balançoires géantes du Parc de Valency et la drôle de promenade sur le trottoir du Grand-Pont. Des illusions d’optique qui créent un relief imaginaire, des buttes, des vallons et un cheminement sinueux sur le bitume. 

Des éditions précédentes, une quarantaine d’œuvres sont restées. Difficile de dire laquelle cette fois sera pérennisée…

photo © Stéphanie Gygax
Le programme

Pour compléter le menu, Monique Keller a invité le célèbre artiste, botaniste, jardinier et écrivain français Gilles Clément. Il déroule le panorama de ses travaux, recherches et aventures dans la belle orangerie de la Bourdonnette, sur le site du Service des parcs et domaines qui entretient les espaces urbains et les forêts de la capitale vaudoise.

La manifestation s’accompagne également d’une foule d’événements, balades, ateliers, concours, etc. Retrouvez tout le programme sur : lausannejardins.ch

 

Exposition « Gilles Clément : Toujours la vie invente »
SPADOM, Avenue du Chablais 46, Lausanne
jusqu’au 12 octobre 

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